La finance au service de l’économie réelle
Par Bertrand Jacquillat, membre du Comité stratégique d’ABV Group – 30 juillet 2021
La finance constitue l’une des branches de la science économique qui a produit le plus d’avancées pendant la seconde moitié du XXème siècle, validées par de très nombreux prix Nobel. Pour autant, considérée comme déconnectée de l’économie réelle, comme le sous-entend l’accolement des deux termes dans le titre, la finance a mauvaise presse. Elle a néanmoins un rôle éminent à jouer pour réparer le tissu économique endommagé, et faire face aux mutations de la destruction créatrice que la crise sanitaire a provoquée.
L’État, sorti exsangue de celle-ci, ne peut en aucun cas répondre aux immenses besoins de financement de l’économie française au travers de la dépense publique. Cette crise sanitaire a eu pour autre conséquence la constitution d’un important excès d’épargne de précaution. Comment faire en sorte que celle-ci, très répandue auprès des Français, dont la préoccupation essentielle est de pouvoir la récupérer intacte et à tout moment, s’oriente vers des investissements à risque dans des entreprises porteuses de croissance ?
Michel Didier et l’Institut Rexecode ont imaginé une solution à la fois ingénieuse et très parcimonieuse pour les finances publiques. Selon le schéma envisagé, les épargnants investiraient, jusqu’à un certain plafond, dans des fonds de type Private Equity créés à cet effet. Ces fonds à vocation générale ou spécialisés (bio-technologies, transition climatique, transition numérique, etc.), auraient une durée de vie moyenne d’environ huit ans, comme il est d’usage dans cette profession, et investiraient en actions de sociétés cotées et non cotées. Mais, et c’est l’originalité de cette innovation financière, l’épargnant pourrait à tout moment vendre ses parts ou en demander le remboursement à l’exacte valeur à laquelle il les aurait achetées, grâce à une garantie apportée par l’État via une caisse publique créée à cet effet. Techniquement, l’État aurait ainsi donné une option d’achat gratuite à l’épargnant à un prix d’exercice correspondant à la valeur d’origine de la part du fonds, au moment où celui-ci y a investi. Si la valeur de la part du fonds au moment où est exigé son remboursement est inférieure à sa valeur d’origine, l’épargnant récupère le montant de celle-ci. Si la valeur de la part est supérieure à son investissement, l’épargnant bénéficie intégralement de la plus-value. Cerise sur le gâteau, ce schéma serait très probablement bénéficiaire pour l’État, et donc pour le contribuable, grâce aux plus-values dégagées sur les parts rachetées et portées par la caisse publique jusqu’au terme de la durée de vie du fonds. En effet, historiquement les fonds gérés par l’industrie du Private Equity ont eu sur la durée de bonnes performances, en moyenne supérieures à celles des marchés boursiers.
Dans un tel schéma, l’État joue pleinement sa fonction macroéconomique en endossant le rôle d’assureur en dernier ressort de l’épargnant, dans le cadre d’une innovation financière qui, en rapprochant des points de vue divergents, joue un rôle éminent au secours de l’économie réelle.
Bertrand Jacquillat est vice-président du Cercle des Economistes et senior advisor de J. de Demandolx Gestion.