La Minute des DAF n°2
ABV Group – 22 juin 2022 – La Minute des DAF n°2 –
La première édition de La Minute des DAF publiée en mai dernier a été très plébiscitée et nous vous en remercions. Elle portait sur la question n°6 du Baromètre des DAF. Cette première édition de La Minute des DAF est toujours disponible.
Ce mois-ci, Jérémy DEROME, Directeur administratif et financier de HYDRO LEDUC, spécialiste de la conception et de la fabrication de composants hydrauliques, implanté en France et aux Etats-Unis, a répondu aux questions de Damien RISO, Directeur d’ABV France.
Damien RISO a demandé à Jérémy DEROME de commenter les résultats parus en janvier dernier à la question posée n°14 : “En termes de risques, où se situent vos principales préoccupations ?”
Résultats de la question n°14 du Baromètre 2022
Damien RISO : Jérémy, partagez-vous les préoccupations de vos pairs en termes de risques pour 2022 ?
Jérémy DEROME : Sur l’ordre des trois premiers risques, je suis d’accord avec le premier « Recrutement et rétention des talents ». Nous, industriels, vivons des démissions d’ouvriers et nous ne trouvons personne pour les remplacer. Il y a toute une main d’oeuvre consommée par l’uberisation de l’économie. Dans le contexte irrationnel actuel, nous terminons les recrutements lancés sur le premier semestre et attendons de voir comment va se passer le deuxième semestre 2022. Et d’ici à 2025, nous avons l’ambition de créer notre propre CFA car nous sommes convaincus qu’il faut prendre en main nous-mêmes notre formation pour assurer le développement de notre groupe.
En deuxième position, au lieu du risque « Réalisation des projets informatiques » qui nous ne concerne pas vraiment, j’aurais placé le risque « Prix des intrants et approvisionnements », car leurs augmentations ont fortement impacté nos coûts de revient. Nous avons fait le choix d’investir dans les stocks et dans 95% d’approvisionnements européens, ce qui nous a permis de fournir le marché en 2021 dans des délais plus courts que nos concurrents et de conserver un très bon niveau d’activité en 2022.
En revanche, j’aurais introduit le « Contexte mondial » qui était certes moins lourd en janvier 2022 qu’aujourd’hui. En géopolitique, nous sommes sur une poudrière, avec une réelle préoccupation de conflit mondial, tandis que les indicateurs économiques montrent que nous devrions aller vers la récession. Nous devons donc prendre un maximum d’activité maintenant et nous préparer à un avenir compliqué en termes de trésorerie.
Compte tenu de l’inflation, je fais le choix, d’une part, d’emprunter aux taux actuels pour avoir les ressources en cas de récession et d’opportunités à saisir. D’autre part, d’investir une partie de ces ressources financières pour en protéger la valeur, sans s’assécher en termes de trésorerie. Il y a un juste équilibre à trouver.
DR : le risque « défaut d’intégrité » semble provoquer chez vous un commentaire particulier
JD : En fait, il me fait surtout penser au « défaut de fidélité » qui est devenu un véritable risque de gestion d’entreprise. Mis à part la crise financière de 2009, les dernières générations n’ont pas connu de crise majeure jusqu’à 2020. Avec la crise de la Covid-19, dans un délai si court, il a été frappant de constater l’effondrement du sentiment d’appartenance à l’entreprise en faveur de l’individualisation. Cette situation favorise le développement de nouvelles relations de travail, entre l’entreprise et des micro-entrepreneurs et/ou entre l’entreprise et des fournisseurs de compétences. Le CDI n’attire plus autant et n’est plus une indispensable priorité pour les jeunes.
Alors, certes, c’est une vision à long terme d’entreprise, mais aujourd’hui les jeunes pensent ainsi.
DR : de manière prospective, comment voyez-vous ou anticipez-vous l’évolution de ces risques ?
JD : Je suis optimiste sur leur évolution car les entreprises ne vont pas pouvoir tenir ainsi longtemps. La pression sur la masse salariale est trop forte. L’inflation va certainement être impactée par l’action des banques centrales. Nous projetons un retour à la normal de l’inflation entre 2 et 3% sur le deuxième semestre 2023. Le prix des intrants va se détendre.
Les cartes vont être rebattues en 2023 et 2024.
Beaucoup de sociétés seront en difficulté financière, avec tous les PGE en place qu’il va falloir rembourser ou parce que les marges n’auront pas été reconstituées. Il y aura des opportunités à saisir le moment venu. Le marché ne sera plus à l’offre ; il n’y aura plus beaucoup d’acheteurs en face. Nous nous préparons.
DR : En résumé, au terme de ce 1er semestre 2022, la pression forte, générale et imprévisible sur les principaux postes de coûts opérationnels, et le changement brutal du rapport au travail, obligent l’entreprise à anticiper un retournement d’activité économique à court terme et à transformer son modèle industriel à plus long terme. Le développement de votre entreprise se poursuivra par le développement interne de compétences, l’approvisionnement local et l’acquisition d’activités. ■