11 façons de réduire vos coûts informatiques dès maintenant
Sources – Stephanie Overby, CIO (adapté par Reynald Fléchaux) – 21/12/2023
Même s’ils reconnaissent que la transformation numérique est le moteur de leur croissance, de nombreux PDG attendent de leur DSI des budgets IT stables.
En période d’incertitudes économiques, la maîtrise des budgets IT est plus indispensable que jamais. C’est aussi une façon, pour la DSI, de préparer l’avenir en se dégageant des marges de manoeuvre financières.
Les responsables informatiques ont toujours dû faire preuve de responsabilité financière tout en répondant aux demandes des métiers en matière d’innovations technologiques. Mais avec l’intensification de la transformation numérique ces dernières années, les DSI ont eu moins d’occasions de faire une pause et de réévaluer la situation financière de l’IT.
« Certaines organisations ont innové, se sont transformées et se sont développées si rapidement qu’elles n’ont pas eu le temps d’éliminer les anciennes structures de coûts qui commençaient à les gêner », explique Stewart Buchanan, vice-président de l’équipe CIO de Gartner. « Le résultat ? Les dettes technologiques de certaines organisations augmentent plus vite que tout le reste et les privent de marges de manoeuvre en termes budgétaires et de leur capacité d’innovation. » Le DSI actuel n’est plus seulement un leader technologique, c’est aussi un dirigeant d’entreprise. « Cela signifie qu’il doit examiner attentivement les coûts et s’assurer que ses dépenses préparent l’avenir et ne servent pas avant tout à solder le passé », déclare Jay Upchurch, vice-président et DSI chez l’éditeur SAS.
La nécessité de réorienter le budget informatique vers les opportunités futures est l’une des principales raisons poussant actuellement les DSI à réexaminer leurs portefeuilles informatiques. Mais ce n’est pas la seule. L’incertitude économique, la concurrence accrue, les préoccupations en matière de développement durable, les attentes des actionnaires et les défis réglementaires sont également au coeur de leurs préoccupations.
« S’il est essentiel de contrôler les coûts en permanence, cela devient encore plus impératif en période de pression économique, observe Jon Pratt, DSI chez 11:11 Systems, un fournisseur de services de gestion de la sécurité. Garder le contrôle sur le budget IT permet à l’entreprise d’avoir la flexibilité nécessaire pour prendre des décisions stratégiques en cas de besoin pour déployer une nouvelle plateforme, lancer un nouveau projet, ou simplement faire face à la croissance. »
Même s’ils reconnaissent que la transformation numérique est le principal moteur de la croissance de l’entreprise, de nombreux PDG attendent de l’informatique qu’elle mène à bien ce chantier… tout en maintenant les budgets au même niveau. Et comme les capitaux sont rares, « le moyen le plus simple de trouver des euros qui peuvent être investis est de chasser les coûts qui peuvent être réduits, résume Marc Tanowitz, associé gérant chez West Monroe, une société de conseil. « Chaque euro de réduction des coûts opérationnels se répercute directement sur le résultat net. »
Voici quelques mesures que les DSI peuvent prendre immédiatement pour identifier ces poches d’économies potentielles.
1. Vérifier les coûts du cloud
« Une technologie hautement évolutive combinée à une utilisation croissante et à des coûts de plus en plus élevés entraîne des dépenses excessives », note Mark Troller, DSI de la société de gestion des dépenses de télécommunications Tangoe, qui estime que ses clients dépensent jusqu’à 40 % de trop pour le cloud. Marc Tanowitz, de West Monroe, abonde dans le même sens : « Il y a des dépenses dans le cloud pour lesquelles des approches de gouvernance immatures ont entraîné une consommation excessive. Celle-ci peut être réduite lorsqu’on adopte une approche holistique de l’architecture cloud. »
Outre la consommation de services cloud, d’autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte. « Les hyperscalers augmentent leurs prix pour récupérer leurs investissements dans le cloud et maintenant dans l’IA générative », dit Anil Cheriyan, ancien DSI et fondateur de Phase IV Ventures. Et d’estimer que les responsables informatiques doivent se poser des questions difficiles sur leurs coûts liés au cloud, notamment pour savoir si certains choix passés en la matière ne sont pas désormais plus coûteux que les options traditionnelles, sur site, et réévaluer la valeur qu’ils apportent par rapport à ce coût.
Selon Barrett Schrader, directeur général de l’activité de conseil en technologie de Protiviti, les entreprises qui adoptent une approche multicloud peuvent voir leurs dépenses d’exploitation grimper en flèche : « Les entreprises misant sur un cloud unique peuvent bénéficier de remises en volume tout en réduisant la complexité. En outre, cela permet de simplifier la gestion et la gouvernance, ce qui peut encore réduire les coûts iIT. »
Le FinOps gagne en popularité en tant que cadre pour maximiser les investissements dans le cloud, ajoute Jay Upchurch de SAS. « Les pratiques FinOps permettent de réduire considérablement les coûts en éliminant les usages inutiles du cloud, en rationalisant les services nécessaires et en adoptant des services cloud natifs lorsque cela s’avère approprié – par exemple, des instances réservées, l’optimisation des ressources pour les workloads et l’usage des prix spot », explique-t-il.
2. Réexaminer le portefeuille de projets
Une gestion rigoureuse de la demande est essentielle pour une optimisation durable des coûts informatiques, explique Anja Allen, directrice du cabinet de conseil en technologie EY Americas. S’assurer que toutes les dépenses informatiques sont directement liées à la demande des métiers permet d’optimiser mécaniquement les coûts.
Les DSI devraient également revoir périodiquement les projets en cours afin de redéfinir leurs priorités en fonction du retour sur investissement prévu et de la faisabilité de leurs initiatives, explique Jon Pratt de 11:11. « Évaluer si le projet permettra à l’entreprise d’augmenter ses revenus ou de remplacer un système vieillissant qui permettra de réduire les coûts au fil du temps est un exercice nécessaire pour éliminer les projets qui ne font pas réellement avancer l’organisation. Un dirigeant doit également tenir compte de la probabilité de réussite de la mise en oeuvre. L’argent bien dépensé ne compte que si le projet peut être exécuté jusqu’à son terme. »
La budgétisation à base zéro peut être une bonne approche pour les dépenses discrétionnaires. « Si la justification des dépenses technologiques peut s’avérer délicate, les responsables IT peuvent, avec cette approche, découvrir ce qui est vraiment essentiel en examinant leurs dépenses discrétionnaires pendant les cycles de budgétisation et de planification afin de n’inclure que les domaines de création de valeur représentant une réelle percée, sans s’appuyer sur le seul contexte historique », déclare Nitish Mittal, associé chez Everest Group.
3. Réaligner les niveaux de support
Les coûts de support sont un autre domaine dans lequel les DSI peuvent récupérer des fonds, en ne payant que ce qui est nécessaire pour atteindre les niveaux de service requis par les métiers.
« En ce qui concerne le stockage, on peut toujours souhaiter le meilleur plan de support pour remplacer les composants défaillants en quelques heures ou moins, relève Jon Pratt. Mais si l’on considère une infrastructure réseau ou informatique moins critique, où la redondance est suffisante, un dirigeant peut opter pour un plan d’assistance plus prudent et, surtout, moins coûteux. »
4. Envisager des contrats basés sur la consommation
L’un des meilleurs moyens d’aligner les coûts informatiques sur la valeur générée réside dans la tarification basée sur la consommation, même si cette option peut sembler plus coûteuse.
« Les contrats basés sur la consommation s’optimisent d’eux-mêmes, indique Stewart Buchanan du Gartner. Les coûts variables peuvent être un peu plus élevés par unité que les coûts fixes, mais ils coûtent moins cher au total si votre entreprise a moins besoin de les utiliser. » Ce passage à des contrats basés sur la consommation est, par nature, bien adapté aux activités connaissant des fluctuations importantes.
5. Repenser les décisions en matière de sourcing
Il est toujours utile de réexaminer les accords conclus avec les sous-traitants et autres prestataires de services, qui font souvent partie des dépenses les plus importantes de la DSI. « Les sous-traitants et fournisseurs doivent être considérés comme votre assurance automobile, illustre Jon Pratt. Lorsqu’il s’agit de renouveler un contrat, il convient d’examiner attentivement la situation et de refaire le tour du marché. »
En ce qui concerne la main-d’oeuvre occasionnelle en particulier, les DSI paient souvent des tarifs supérieurs à ceux du marché ou s’engagent avec une catégorie de contractants plus coûteuse que nécessaire, relève Marc Tanowitz de West Monroe, dont les analyses ont révélé des possibilités d’économies situées entre 6 % et 30 % sur ce poste budgétaire.
Plusieurs méthodes peuvent aider les responsables IT à détecter les pertes de valeur dans les contrats de services. Anja Allen, d’EY Americas, suggère d’effectuer une analyse des dépenses en partant des plus petits fournisseurs, afin d’identifier la prolifération inutile de ceux-ci ; une analyse de Pareto des afin d’identifier les opportunités de consolidation des fournisseurs ; une analyse comparative, afin de réaligner les prix sur les conditions du marché ; et une analyse des compétences, afin d’identifier celles qui pourraient être achetées à des taux journaliers inférieurs. Avec cette approche, Anja Allen a vu des responsables informatiques réduire de 15 à 30 % leurs dépenses en services informatiques.
Les responsables IT peuvent également constater que certaines tâches peuvent être réinternalisées à moindre coût. Jonas Hansson, DSI d’Axis Communications, est ainsi partisan du sourcing interne. « L’externalisation est toujours beaucoup plus coûteuse et moins flexible, à moins que vous ne puissiez prédire l’avenir et que vous soyez un très bon acheteur. Le meilleur moyen de réduire les coûts à long terme est de cultiver les compétences et l’expérience internes », dit-il.
6. Mettre en oeuvre un sourcing agile
Même le processus de recherche de fournisseurs et de prise de décisions en matière d’achat peut finir par coûter plus cher que prévu aux DSI. Pour éviter la lourdeur de l’approche classique, certains responsables informatiques adoptent une approche agile du sourcing, décomposant le processus en morceaux plus courts et itératifs afin de réduire les dépassements de coûts, les retards et de minimiser les résultats mal alignés avec l’attente initiale.
En outre, le fait d’impliquer plus tôt les autres parties prenantes, en particulier la finance et les achats, peut contribuer à rationaliser le processus de prise de décision, explique Nitish Mittal, du groupe Everest. « Cela permet également d’échanger des idées pour rendre le processus de sélection des technologies plus efficace en termes de négociations, d’adoption des meilleures pratiques du marché et de transparence sur les initiatives des autres fonctions dans l’organisation », explique-t-il.
7. Vider la poubelle technologique
Selon Stewart Buchanan de Gartner, le moment est venu pour les DSI d’apurer leurs dettes technologiques afin de réduire les coûts et d’investir dans de nouveaux moyens de générer de la valeur. « Le support étendu est un moyen coûteux de payer pour un niveau de service et de sécurité inférieur, juge-t-il. Les organisations peuvent dépenser moins en toute sécurité uniquement si elles réduisent leur base de coûts en la restructurant ». Cela signifie qu’il faut faire les poubelles, en décommissionnant les technologies qui ont dépassé leur date de péremption pour les remplacer avant qu’elles ne soient plus sécurisées et se révèlent totalement inadaptées à l’usage prévu.
Les DSI peuvent être réticents à revenir sur des décisions d’investissement prises il y a plusieurs dizaines d’années, et les responsables métiers sont souvent dans le déni en la matière, parce que tout retour sur investissement est très difficile à obtenir sur ce type de projets. Pour Stewart Buchanan, l’une des façons d’aborder la question est d’associer un « chiffre effrayant » à la dette technologique et de le présenter au conseil d’administration.
8. Auditer tous les contrats
Les DSI paient presque toujours plus que ce dont l’entreprise a réellement besoin en matière de matériel, de logiciels et de réseaux. « Des contrôles périodiques de vos dépenses informatiques peuvent mettre au jour des coûts cachés dont vous n’avez peut-être pas conscience, qu’il s’agisse de licences logicielles inutilisées ou de services redondants. Additionnées les unes aux autres, ces ‘petites’ dépenses peuvent représenter une somme importante », souligne Vineet Arora, directeur technique de la société de services informatiques WinWire.
Selon Marc Tanowitz, de West Monroe, les dépenses liées aux réseaux constituent l’un des domaines les plus courants de dépenses excessives, les entreprises continuant à payer pour des liens qui ne sont plus utilisés.
Les erreurs de facturation, le surdimensionnement des licences et les changements de capacité sont d’autres éléments à regarder avec soin. « Souvent, les dépenses informatiques deviennent presque routinières et leur examen devient moins minutieux au fil du temps, dit Joe McMorris, DSI et RSSI de Planview. Les responsables informatiques doivent faire preuve d’ouverture d’esprit et porter un regard neuf sur tous les domaines de l’entreprise. »
9. Rationaliser les applications
En matière de logiciels, ce ne sont pas seulement les licences ou les sièges qui doivent être rationalisés, mais les applications elles-mêmes. Selon une enquête de Freshworks auprès des professionnels de l’informatique, les entreprises ont constaté une augmentation de 71 % du nombre d’applications qu’elles utilisent au cours de l’année écoulée. « Les équipes IT ne peuvent plus ignorer le besoin de réduire sans relâche ce qui ne contribue pas à l’efficacité de l’organisation », souligne Prasad Ramakrishnan, DSI de Freshworks.
« Les DSI doivent systématiquement revoir leur parc technologique en tenant compte de l’avis des collaborateurs de première ligne », ajoute Erik Bailey, DSI de l’éditeur de logiciels de gestion de la propriété intellectuelle Anaqua, qui évalue régulièrement le parc logiciel de l’entreprise, en examinant les intégrations, la sécurité et le niveau d’utilisation. « L’une des principales mesures de réduction des coûts que nous prenons consiste à évaluer et à consolider les fournisseurs. Nous visons à standardiser notre portefeuille sur un ensemble plus restreint d’outils afin d’atteindre la neutralité des coûts tout en améliorant considérablement l’efficacité opérationnelle, la productivité et en optimisant la charge de travail des employés. »
10. Maximiser la valeur de la technologie existante
« Je cherche constamment à tirer davantage de valeur des dépenses que nous avons déjà effectuées », résume Jay Upchurch, ajoutant que SAS a investi dans des applicatifs coeur et que son objectif est d’éviter d’acheter des applications qui se chevauchent ou se concurrencent afin de maintenir un portefeuille technologique optimisé. « Cela signifie que les clients internes doivent justifier les raisons pour lesquelles les dépenses informatiques existantes ne répondent pas aux besoins de leur activité », dit-il.
Selon Anthony Walsh, directeur des services IT chez Onestream Software, informer en permanence les employés sur les outils à leur disposition et leur proposer des formations sur l’ensemble de leurs capacités s’avère également essentiel. « La plupart des utilisateurs ne connaissent qu’une fraction de la technologie à leur disposition, et ils peuvent penser, à tort, qu’ils ont besoin d’un accès ou d’un budget pour un nouvel outil alors qu’ils disposent déjà de ces capacités. »
11. Automatiser l’informatique
Les possibilités d’automatiser certains aspects du travail de la DSI sont plus nombreuses que jamais. « L’étude des moyens permettant d’automatiser des processus informatiques peut conduire à une réduction des coûts de main d’oeuvre et à une amélioration de l’efficacité », souligne Barrett Schrader, de Protiviti. Les tâches couramment automatisées comprennent le monitoring des systèmes, la gestion des correctifs et les sauvegardes.
Quelles que soient les mesures prises aujourd’hui par les responsables IT pour réexaminer les coûts de la DSI, conserver une perspective à long terme s’avère indispensable. « Prendre des décisions à court terme peut mettre l’entreprise en danger générant une dette techniquequi pourrait être plus coûteuse et plus laborieuse à surmonter que les bénéfices immédiats », déclare Jon Pratt de 11:11. « Un bon dirigeant trouvera l’équilibre nécessaire entre une certaine prudence et un positionnement plus agressif de la DSI afin qu’elle développe et améliore l’activité. »
Les dirigeants IT comprendront également que l’optimisation du budget informatique tout en continuant à soutenir une croissance de l’entreprise basée sur la technologie exige plus qu’une simple prudence financière. L’informatique ne peut pas se permettre d’être considérée comme un centre de coûts, prévient Nitish Mittal, du groupe Everest. C’est pourquoi les responsables informatiques doivent continuellement interroger le bien-fondé des investissements technologiques. Comme le dit Stewart Buchanan (Gartner), « le défi ne réside pas dans la gestion des coûts à proprement parler, mais dans la réalisation de la valeur à partir de ces coûts ».