Casino : Un échec collectif
Sources : Les Echos – par Julie Chauveau – le 11/01/24
Les actionnaires et les créanciers ont voté jeudi sur la restructuration financière du distributeur. Jean-Charles Naouri, actuel PDG et propriétaire, sera presque totalement dilué.
Jean-Charles Naouri n’est plus maître chez lui. Casino, son empire de la distribution, a éclaté et a été vendu par appartements. Comme lui, ses créanciers comme ses actionnaires ont pratiquement tout perdu. Pour avoir trop tardé à prendre des décisions douloureuses ou à vendre des actifs, l’homme qui avant bien d’autres avait pressenti le déclin de l’hypermarché, la montée en puissance du commerce de proximité et perçu la montée en puissance du digital a été victime d’une dette trop lourde et d’une rentabilité trop légère. Certes, la guerre des prix permanente menée par Leclerc et Lidl, la pandémie, le retour de l’inflation, la remontée des taux, la volatilité du Brésil se sont ligués contre lui. Mais son échec est aussi collectif.
La gouvernance en question
Il y a huit ans, le vendeur à découvert Muddy Waters avait posé le problème de la fragilité structurelle de la société et questionné le soutien indéfectible des banques à l’égard de Casino. Il y a quatre ans, Rallye avait ouvert une procédure de sauvegarde. Personne sur la place de Paris ne peut prétendre avoir été pris par surprise. La gouvernance n’a pas fonctionné, le conseil d’administration n’a pas joué son rôle de vigilance et de conseil face à un PDG de plus en plus isolé et sans véritable contre-pouvoir. Même les commissaires aux comptes ont trop tardé à tirer la sonnette d’alarme. Et l’AMF a attendu septembre 2023 pour sévir sur les comptes.
Dans un contexte de hausse des taux, après des années d’argent facile, la place doit redoubler de vigilance sous peine de perdre la confiance des petits actionnaires qui ont longtemps rêvé devant le récit de Casino de conquête de l’international et de montée en gamme du commerce. Dans la réalité, obligé de pratiquer une politique de prix élevés, le groupe qui a vu ses volumes fondre aussi vite que ses marges, s’est fait distancer et ses magasins n’ont plus eu les moyens d’investir pour être entretenus et modernisés. Formellement ils ne fermeront pas car la France a encore besoin de grandes surfaces. Les candidats n’ont d’ailleurs pas manqué pour leur reprise. Auchan et Intermarché doivent bientôt mettre la main sur 240 hypermarchés et supermarchés revendus en catastrophe. Daniel Kretinsky va tenter de faire repartir Monoprix et Franprix. Une renaissance est possible mais il faudra tirer les leçons d’une descente aux enfers dont on aurait au moins pu réduire le coût. Les étudiants des grandes écoles n’ont pas fini de plancher sur ce cas.