Les Actualités brûlantes des DRH – Le savoir-faire de Baccarat dans la transmission des compétences
ABV Group – 16 janvier 2024 – Estelle Lambert a co-écrit l’article avec Damien Riso dans la Revue RH&M n°92.
Accroissement des effectifs, nombreux départs à la retraite, transformation d’entreprise, talents introuvables sur le marché. Ces contraintes perturbent la transmission des compétences et inquiètent les DRH d’entreprises. Quels sont les enjeux ? Comment agir ? L’expérience Baccarat est très éclairante.
Un héritage hors du commun pour la Manufacture crée en 1764
Interrogez un verrier de Baccarat sur son métier, il vous parlera avec fierté du « geste » qu’il a mis 10 ans à apprendre. Il détaillera la singularité de ce mot commun: un art, beaucoup de technique, une évolution permanente, l’excellence, mais surtout la transmission de toutes ces connaissances, savoir-faire et savoir-être acquis sur plusieurs générations. Cette transmission des compétences a deux enjeux stratégiques pour Baccarat. Elle est le moyen de sauvegarde patrimoniale qui sécurise la virtuosité aujourd’hui recherchée par les Clients de Baccarat. Elle est aussi la capacité d’innovation immédiate et future de l’entreprise, pour rester précurseur et s’adapter aux évolutions du marché. « Il faut maitriser le geste dans différentes conditions de production pour avoir une réelle compréhension du savoir-faire et être en mesure de l’adapter aux changements de conditions de demain. » précise Estelle LAMBERT, DRH de la Manufacture de Baccarat, 600 salariés en 2023.
« 132 recrutements en 2022, sur des variétés et niveaux de gestes différents, pour répondre à l’accroissement du marché et donc à un volume de production plus important, et compenser les départs en retraite. Il a fallu ensuite les former au niveau de compétences Baccarat, et tout cela dans des délais courts pour répondre aux contraintes de production du marché. Cependant, la transmission de compétences, assurée dans le passé par la pratique entre un verrier formateur et un verrier en formation, a trouvé ses limites. Nous avons besoin de plus de formateurs et de contenus plus innovants pour nous adapter à un nombre important de jeunes recrues.» souligne Estelle LAMBERT pour mettre en avant les déséquilibres provoqués et introduire la nécessité de penser différemment.
En conséquence, un plan d’ajustement a été conçu par la RH sur la base de trois leviers d’actions, que nous décrit Estelle :
- « Archiver les connaissances et savoir-faire, à des fins patrimoniales, pour éviter les pertes de compétences liées aux départs (en retraite, entre autres) ;
- Former les jeunes et les salariés : La base indispensable reste la pratique entre un verrier formateur et un verrier en formation. N’étant pas suffisante, le service RH a coordonné la mise en place de référentiels écrits documentés et actualisés par les verriers. N’étant pas suffisants, l’outil vidéo a été ajouté pour verbaliser, décortiquer et apporter du mouvement aux modus operandi. En complément, des expérimentations employant les technologies de la réalité virtuelle et de l’IA sont étudiées pour l’acquisition de gestes. N’étant toujours pas suffisant pour atteindre le niveau d’excellence de Baccarat, le partage des contenus écrits et vidéo entre le formateur et les verriers en formation a été mis en place : arrêts sur image, analyse conjointe, questions-réponses, conseil…
- Former les formateurs aux outils de formation, ainsi que par la mise en œuvre d’une supervision, avant, pendant et après chaque action de formation, notamment pour effectuer des retours d’expériences au service RH sur la qualité des outils utilisés. »
Baccarat est pris dans une contradiction très contemporaine : alors que l’activité nécessite un accroissement immédiat des besoins en compétences, il faut dix ans pour former «cette main d’œuvre d’élite». Telle est la «mission impossible» à laquelle la RH s’est attaquée et a mobilisé ses équipes avec efficacité. Voilà qui justifie pourquoi les DRH d’entreprises placent la transmission des compétences au cœur de leurs priorités.